Monaco, la grande histoire d’un micro-État
Écrit et réalisé par Frédéric Compain
À Monaco, un habitant sur deux est millionnaire. Forte de sa puissance financière, la principauté semble indestructible. Elle a pourtant connu des revers de fortune, des luttes sociales violentes et a plus d’une fois frôlé la disparition… En trois épisodes, cette fresque documentaire lève le voile sur l’histoire du Rocher.
Episode 1 – Princes et croupiers
Les Grimaldi, une famille fortunée originaire de Gênes, développent leur puissance commerciale au XIIIe siècle après que François Grimaldi, dit « le rusé », s’est emparé de Monaco en 1297. Mais comment prospérer sur ce caillou dépourvu de terres cultivables ? Par les taxes ! 2 % sont imposés sur la valeur de la cargaison à chaque passage de navires marchands dans la baie, une opération juteuse soutenue par les protecteurs de la famille, tantôt la Savoie, la Provence ou l’Espagne, tantôt la France. En 1641, le traité de Péronne rattache définitivement Monaco au royaume français, sous la protection de Louis XIII. En moins de cent ans, les Grimaldi deviennent la seconde puissance économique du pays, notamment grâce à de lucratives alliances… Mais à la Révolution, le prince de Monaco est incarcéré et ses biens, confisqués. Tout est à refaire. Au milieu du XIXe siècle, le prince Charles III invente la principauté telle qu’on la connaît en fondant la Société des bains de mer de Monaco, qui profite de l’interdiction des jeux dans une grande partie de l’Europe pour prospérer en édifiant des casinos, entourés de palaces, restaurants de luxe et opéras…
Episode 2 – Dandys et hommes de paille
Après la Première Guerre mondiale, la Société des bains de mer croule sous les dettes tandis que la révolte gronde à Monaco, qui remet en cause l’autorité du prince. Louis II n’ayant pas d’héritier, le jeu des mariages pourrait précipiter Monaco dans les mains des Allemands. Branle-bas au Quai d’Orsay : on désigne Charlotte, conçue hors mariage par une roturière, comme seule légataire de la famille princière. La naissance d’un fils maintient le Rocher dans l’escarcelle française. Les années folles, l’âge d’or de Monaco, voient s’y presser Poulenc, Satie, Stravinski, Prokofiev, Picasso, Marie Laurencin, Matisse… Ainsi que certains profiteurs de guerre, dont le célèbre marchand d’armes Basil Zaharoff. En 1928, des manifestants opposés à Louis II prennent d’assaut le Palais. En échange de sa protection dans ce moment de bascule, l’État français impose un nouvel accord : chaque Premier ministre sera désormais français, et il en ira de même pour toute l’administration. En 1934, on vote une loi autorisant les holdings, ces sociétés dirigées par des prête-noms, idéales pour cacher des fonds. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’occupant allemand saura en tirer parti lorsqu’il s’agira de faire transiter les mannes de la spoliation nazie…
Episode 3 – Stars et promoteurs
L’actrice américaine Grace Kelly, tout juste récompensée d’un oscar, épouse le prince Rainier et embarque dans ses valises de grands industriels, après avoir fait s’asseoir 30 millions de téléspectateurs devant leur poste pour la retransmission de son mariage en Technicolor. Pour attirer les investisseurs, Monaco met sur pied un « système de fraude fiscale organisée« , selon l’historien et journaliste monégasque Pierre Abramovici. L’argent afflue, dont celui de l’armateur grec Onassis qui devient le principal actionnaire de la Société des bains de mer. Bientôt, la ville livrée aux promoteurs se transforme et les derniers quartiers populaires disparaissent. Les Trente Glorieuses couvrent le Rocher de béton et le prix au mètre carré devient le plus élevé au monde. En l’an 2000, un premier rapport volumineux sur le blanchiment et l’évasion fiscale, publié par l’Assemblée nationale française, secoue la principauté. Vincent Peillon, président de la mission d’information, parle d’un « paradis fiscal bancaire et judiciaire« . Les affaires financières s’accumulent et le Rocher se voit accusé de ne pas lutter suffisamment contre le blanchiment d’argent, avant d’être finalement placé en juin 2025 par la Commission européenne sur la liste des pays « à haut risque » concernant cette dérive.
Réalisation : Frédéric Compain
Écriture : Frédéric Compain
Production : YAMI 2 – Antoine Boukobza et Christophe Nick
Diffusion : ARTE
Année de diffusion : 2025
Durée : 3 x 45 min

Le documentaire en trois volets de Frédéric Compain éclaire avec brio les enjeux politiques, sociaux, économiques et même géostratégiques de ce confetti né de la conquête par les Grimaldi d’un fief gênois. Riche d’archives, il donne la parole à des historiens mais aussi à des acteurs contemporains, maire de Monaco, dirigeant de la Société des bains de mer, ancien directeur de l’urbanisme, agent immobilier… Du territoire rural et déshérité au paradis fiscal artificialisé en passant par l’âge d’or du casino et les stratégies de la famille princière se dessine une remarquable somme. Qui aurait pu être indigeste sans son intelligente construction alternant les allers-retours entre le Monaco actuel et son passé, le tout servi par un commentaire malicieux à l’ironie bienvenue…
– Télérama (3T)








